Note sur la créativité
J'écris chaque jour, il est vrai. Mais j'écris dans tous les sens, un peu comme un individu qui joue une partie de squash, laissant la balle rebondir sur tous les murs en la saisissant à l'occasion. La vérité est que j'ai du mal à me concentrer sur un texte conséquent, sans passer à autre chose au bout du troisième paragraphe. Cela dit, pour écrire, j'écris… Un petit bout par ici, un petit bout par là. D'aucuns pensent que tout ça ne sert à rien. Certains me jugent même ridicule. Mais il y a longtemps que je ne me laisse plus guider par les avis des autres, surtout de ceux qui ne font rien de leurs dix doigts et qui, dès qu'on s'agite un peu autour d'eux, ne cessent de critiquer. J'ai une bonne amie qui s'est mise au piano à plus de soixante ans. Et elle a le culot de mettre ses pièces sur YouTube, les accompagnant des photographies prises au cours de ses pérégrinations dans les rues de la ville. Un beau culot, je trouve. Car malgré la naïveté de sa musique, elle a trouvé le moyen d'exprimer sa créativité et, par le fait même, de doter ce monde en lambeaux d'une touche de beauté.
Pour la plupart d'entre nous, la créativité ne consiste à pas à autre chose que ça : doter notre environnement de cette beauté, si fugace soit-elle. Après tout, on ne sait rien de ce qu'on va devenir. À l'exception de certains esprits forts, animés par une certitude inébranlable, personne ne sait exactement ce qui se passera une fois qu'on aurait fait le saut dans le Grand Néant. Et on ne sait rien de ce qui va advenir non plus sur le plan sociétal. Qui aurait prédit qu'un jour le peuple américain allait élire un président qui manifeste haut et fort sa volonté d'annexer le Canada ? Personne, même les prétendus experts qui passent leur vie à ânonner sur les chaînes de télévision ou de YouTube. Qu'on se souvienne de 2008 pendant la campagne présidentielle de Barak Obama, quand , tout à coup, une crise financière a fouetté le monde occidental. Aucun expert n'avait prédit ce crash boursier qui allait conduire de nombreuses personnes et d'institutions, notamment bancaires, au bord de la faillite.
La créativité, même à une échelle modeste comme la mienne, ou comme celle de cette amie qui apprend à jouer du piano et s'adonne à la photographie, est un exercice susceptible de donner un sens à l'existence. Avant toute chose, elle permet l'expression de notre individualité, de notre singularité en tant qu'individu. Avez-vous parfois l'impression que tout le monde pense la même chose autour de vous ? Que dans une assemblée vous savez déjà, avant même qu'elles n'ouvrent la bouche, ce que les personnes présentes vont dire ? Une impression désagréable qui vous fait douter de votre place dans ce monde. Or, la créativité permet justement de combattre le magma informe des idées en vous ramenant vers votre unicité. Elle permet de vous exprimer en tant qu'individu, vous permettant de vous définir par la même occasion et, ce faisant, de vous situer parmi les autres. Attention ! La créativité n'est pas un acte qui renforce l'individualisme. Au contraire même, elle vous permet de participer à la marche du monde, de créer des liens avec les autres, voire même de contribuer à la société en apportant des perspectives nouvelles sur les choses, sur les phénomènes en cours.
Mais le plus important, l'argument qui classe tous les autres en troisième zone, c'est que la créativité peut procurer un sentiment de joie et de satisfaction, une sorte d'accomplissement de soi. En ce qui me concerne, le tout se résume simplement à la phrase suivante : "Je suis plus heureux quand j'écris que quand je n'écris pas."
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